Rassemblement devant la maison d’arrêt de Nanterre après la mort d’un détenu
Environ 300 personnes ont observé une minute de silence ce lundi en mémoire de Jamal Ghermaoui. L’administration pénitentiaire explique que le jeune homme s’est suicidé, sa famille n’y croit pas.
Jamal Ghermaoui avait 23 ans. Le 30 septembre, il est placé au mitard, le quartier disciplinaire de la maison d’arrêt de Nanterre, où il est enfermé depuis plusieurs mois pour infraction à la législation sur les stupéfiants.
Que se passe-t-il ensuite ? Le 3 octobre, les pompiers emmènent Jamal Ghermaoui, dans un coma profond, à l’hôpital de Nanterre. Il meurt sans s’être réveillé dans la nuit du 7 au 8 octobre. Il serait le 77e décès depuis le début de l’année dans les prisons françaises, selon le décompte des “suicides et morts suspectes” tenu à jour par l’association Ban public.
Suicide ou altercation violente ayant dégénéré ?
Suicide par pendaison, explique l’administration pénitentiaire. Selon elle, Jamal Ghermaoui a été placé au mitard après “avoir agressé un personnel de surveillance”. Le jour de son évacuation vers l’hôpital, il avait comparu devant la commission de discipline de la prison, d’après le communiqué :
"A l'énoncé de la sanction, la personne détenue a violemment réagi en se tapant à plusieurs reprises la tête contre le mur avant d'être maîtrisée par les personnels de surveillance. Ces agissements se sont déroulés devant témoin. La famille de l'intéressé a été avisée par le chef d'établissement peu après les faits."
La famille du détenu, elle, refuse ces explications, photos à l’appui. Elle penche pour une altercation violente avec les surveillants, qui se serait mal terminée. Le 8 octobre, sa soeur Ghariba expliquait à l'AFP :
"On ne nous a jamais parlé d'une commission de discipline, ni de sa réaction violente. C'est nous qui nous sommes étonnés de la marque rouge que mon frère avait sur le front. Il a des griffures au niveau des poignets et plusieurs hématomes mais bizarrement pas de trace au niveau de son cou.”
Pour éclaircir les circonstances du décès, le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, a confié une enquête à la police judiciaire des Hauts-de-Seine. Une autopsie devait avoir lieu dimanche.
"Hors de question de cautionner la thèse du suicide"
Ce lundi, au moins 300 personnes, principalement originaires de la cité du Luth, à Gennevilliers, où vit la famille Ghermaoui, se sont réunies devant la maison d’arrêt de Nanterre pour demander “la vérité et la justice”. Elles ont déposé une gerbe, sous le regard des Equipes régionales d'intervention et de sécurité (Eris) cagoulés, armés de flashballs et de gazeuses. Craignant un incident, l’un des organisateurs demande à tout le monde de rester “pacifique”. Quelques personnes pleurent doucement pendant la minute de silence.
Hassan Ben M’Barek, du Front des banlieues indépendants (FBI), accompagné de Rachid Nekkaz, décrit Jamal comme “un mec qui cherchait à faire sa vie, qui allait se marier”. Il est le seul à prononcer un discours devant l’assemblée :
“On ne souscrit pas à la thèse du suicide, il est hors de question de la cautionner. L’Etat et l’administration pénitentiaire seront condamnés pour la mort de Jamal. Ils doivent assurer la sécurité et la protection des détenus.”
Le procureur Courroye devait recevoir la famille Ghermaoui à la même heure que le rassemblement, où elle était présente. “On a essayé de décaler, mais on nous a dit : soit c’est aujourd’hui, soit c’est pas la peine”, regrette Hassan Ben M’Barek. Il espère qu’un autre rendez-vous sera fixé rapidement.
Sa présence et sa façon de se présenter comme l’organisateur de la manifestation ne plaît pas à tout le monde : certains amis de Jamal craignent la récupération. Dans l’attente d’éléments nouveaux, une prière est prévue ce vendredi à la mosquée du Port à Gennevilliers, et une marche silencieuse partira samedi après-midi de la cité du Luth.
Camille Polloni